CFTC-FAE

Fédération des Agents de l'Etat

La CFTC, née en 1919, est un syndicat de construction sociale depuis plus de 100 ans. Figure historique du syndicalisme français, elle perpétue les valeurs sociales chrétiennes qui fondèrent notre pays et notre civilisation européenne, avec en particulier la dignité de la Personne humaine au cœur de son travail et la défense du Bien commun…

 

"Il faut redonner aux agents envie de croire à l’efficacité du dialogue social" (Didier Lenfant, CFTC FAE)

DÉPÊCHE N°683293
https://www.aefinfo.fr/depeche/683293

Aujourd’hui (2), dernière interview avec Didier Lenfant, président de la fédération CFTC des agents de l’État (3),

Pour Didier Lenfant, président de la CFTC-FAE, "pour que le dialogue social soit crédible, les agents doivent voir la mise en place de solutions pragmatiques et concrètes dans leur environnement de travail, loin des discours technocratiques". - Interview du Président de la Fédération CFTC des Agents de l'Etat par AEF Info
Pour Didier Lenfant, président de la CFTC-FAE, "pour que le dialogue social soit crédible, les agents doivent voir la mise en place de solutions pragmatiques et concrètes dans leur environnement de travail, loin des discours technocratiques".

AEF info : Le précédent scrutin, en 2018, avait eu lieu au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, marqué notamment par un objectif de 120 000 suppressions de postes, le programme Action publique 2022, la suspension de l’application de PPCR, l’instauration d’un jour de carence… Depuis, la loi de transformation de la fonction publique de 2019 est entrée en application et la crise sanitaire a poussé le gouvernement à revoir son approche de la fonction publique. Quels sont pour la CFTC-FAE, les principaux enjeux des élections professionnelles de décembre 2022 ?

Didier Lenfant : L’enjeu principal est bien sûr la participation après que le taux est passé sous la barre des 50 % en 2018. On espère une remontée. Le sujet de la démocratie sociale tient particulièrement à cœur à la CFTC. Il s’agit aussi de redonner aux agents envie de croire à l’efficacité du dialogue social comme solution à leurs difficultés professionnelles et qu’ils ne se détournent pas des syndicats.

Ces élections donnent l’occasion de recommuniquer avec eux avec des messages clairs et pragmatiques, de recréer de la cohésion et d’insister sur le fait que les syndicats sont là pour porter leurs demandes. Pour que le dialogue social soit crédible, les agents doivent voir la mise en place de solutions pragmatiques et concrètes dans leur environnement de travail, loin des discours technocratiques. Nous devons donc mener un travail simple et constructif. Contrairement aux discours sur la simplification des administrations, le travail des agents a plutôt tendance à se complexifier.

AEF info : Les conséquences de la généralisation du vote électronique dans la fonction publique de l’État et de la mise en place de nouvelles instances de dialogue social (CSA, CST, CSE) pourraient-elles selon vous peser sur la participation ?

Didier Lenfant : Le sujet majeur est l’évolution des CAP, les conséquences du regroupement des comités techniques et des CHSCT au sein de comités sociaux dotés d’une formation spécialisée étant moins lourdes et plus faciles à expliquer aux agents. Ainsi, le ministère des Armées aura-t-il le même nombre de formations spécialisées que de CHSCT (300). Mais il sera intéressant de dresser un bilan après les élections pour évaluer les variations en volumétrie et l’efficacité des nouvelles instances.


Commissions Administratives Paritaires (CAP) : "Nous avons réussi à porter le dialogue d’une autre façon dans le cadre des lignes directrices de gestion."


L’évolution majeure reste celle des CAP, qui s’occupaient des questions de mobilité et d’avancement des agents [compétences supprimées en 2020 et 2021] et étaient un outil de recrutement pour les organisations syndicales. Toutefois, nous ne pensons pas que la perte de ces prérogatives va mettre à mal le rôle des syndicats et l’intérêt des agents pour eux. En effet, le dialogue avec les syndicats concernant la mobilité et les avancements n’a pas été entièrement supprimé. Nous avons réussi à porter le dialogue d’une autre façon dans le cadre des lignes directrices de gestion et nous pouvons toujours intervenir nominativement sur des dossiers particuliers, ce qui est rassurant. Nous arrivons à faire bouger les lignes et avons beaucoup communiqué auprès des agents sur le sujet.

Quant aux compétences restantes des CAP, liées notamment aux recours et à l’appréciation individuelle, elles nous conduisent à revoir notre travail car elles sont désormais regroupées par catégories et non plus par corps. Les CAP peuvent donc couvrir nombre de corps différents ce qui va compliquer et alourdir la tâche des élus. Elles devraient se réunir une fois par mois sachant qu’une CAP peut couvrir 30 000 agents. La formation des élus va donc être importante. Cependant, nous pourrons nous faire assister par des experts techniques des corps sur des sujets pointus.

S’agissant du vote électronique, nous ne sommes pas contre la méthode du moment que cela fonctionne bien. Certes, il peut rebuter une partie des agents peu à l’aise avec la technologie et entraîner certains risques et complication en raison du volume important de votants. Toutefois, l’allongement du scrutin sur huit jours laisse le temps aux organisations syndicales de faire un travail de rappel auprès des agents pour les inciter à voter, en fonction des listes d’émargement. De ce point de vue, le vote électronique peut favoriser la participation. Nous espérons à cet égard que la cellule d’assistance sera à la hauteur.

AEF info : En quoi les négociations passées ou toujours en cours (PSC, haute fonction publique…) relatives aux grandes réformes de la loi Dussopt, à commencer par celle de la négociation collective, changent-elles la donne pour les organisations syndicales ?

Didier Lenfant : L’ordonnance relative à la négociation collective apporte un certain espoir. Mais il va falloir la faire vivre en pratique. Ces dispositions ne sont pas équivalentes à ce qui se fait dans le secteur privé. Vous pouvez signer des accords majoritaires mais le nombre de clauses est très contraignant. En effet, tout accord peut être dénoncé par l’administration à n’importe quel moment. Ce qui n’est pas le cas pour les organisations syndicales. Si les employeurs publics commencent à jouer à ce jeu, cela va discréditer complètement la notion d’accord. Si l’on s’engage sur un accord, il faut le respecter sur la durée. Il faut donc encore faire évoluer ces clauses de négociation collective et d’accord majoritaire avec plus de garanties.

Il reste que la négociation d’accords majoritaires est une bonne méthodologie. Cela oblige chacune des parties à être force de proposition et à trouver des convergences dans l’intérêt des agents. Après, il faudra également voir comment les accords vont se décliner au niveau local, dans les administrations. Par exemple, nous avons du mal à arriver au bout de la négociation en cours sur la protection sociale complémentaire. Nous avons sept à huit ans de retard par rapport au secteur privé. Nous pouvons donc aller plus loin. Si l’État employeur veut donner l’image d’un employeur attractif, bon gestionnaire de ses agents et de ses ressources, il doit prendre en charge la totalité des frais de santé, 50 % étant le minimum imposé aux entreprises. Une prise en charge à 100 % des complémentaires santé se traduirait par du pouvoir d’achat pour les agents au moment où l’on cherche des pistes d’amélioration. Quant à la prévoyance, le dossier avance doucement. L’État employeur est en retard sur tout ce qui se fait par ailleurs.

AEF info : Dans quel état d’esprit abordez-vous le chantier sur les rémunérations qui doit s’ouvrir en 2023 ?

Didier Lenfant : Selon le bilan que nous avons effectué, nous chiffrons à 20 % la perte de pouvoir d’achat des agents depuis 20 ans, ce qui n’est pas satisfaisant d’autant que cela se cumule pour les agents retraités avec la baisse du niveau des pensions, en raison notamment du gel de la valeur du point d’indice. Nous sommes donc demandeurs de ce chantier sur les rémunérations. Nous portons plusieurs propositions : dynamisation des carrières avec de meilleurs taux de promotion et ouverture des contingents d’agents éligibles ; raccourcissement des durées d’échelon afin de permettre une meilleure évolution de carrière ; amélioration de l’accompagnement de la mobilité professionnelle ; amélioration de la rémunération des contractuels.


"Il faut faire évoluer le système de rémunération qui est un peu sclérosé et n’est plus attractif."


Quant à la rémunération au mérite, pourquoi pas mais il faut regarder le sujet de près. Dans le cadre du management par objectifs individuels, le dimensionnement et l’évaluation des objectifs se font souvent à géométrie variable. Par conséquent, la rémunération au mérite, si elle se met en place, doit être vraiment objectivée et les objectifs mesurables, quantifiables et atteignables. Globalement, il faut faire évoluer le système de rémunération qui est un peu sclérosé et n’est plus attractif, comme en témoigne la désaffection pour les concours d’accès à la fonction publique. Il faut redonner de la brillance à la fonction publique au-delà de la sécurité de l’emploi.

AEF info : Qu’attendez-vous du "CNR des services publics" organisé par Stanislas Guerini le 28 octobre, qui a notamment mis l’accent sur l’attractivité, l’accessibilité et la transition écologique ?

Didier Lenfant : Plus globalement, nous attendons des progrès sur la question de l’égalité professionnelle, le déséquilibre étant encore marqué, et sur la situation des agents en situation de handicap. La pratique n’est pas à la hauteur des discours affichés. En matière d’attractivité, nous portons également les sujets en lien avec l’action sociale pour accompagner les agents dans leur quotidien. Il faudra aussi ouvrir le chantier des retraites complémentaires, le Rafp étant particulièrement faible par rapport au secteur privé. La réforme à venir sera peut-être l’occasion d’y réfléchir.

Sur la méthode, il est préférable d’aller chercher sur le terrain des solutions pragmatiques et adaptées qui prennent en compte les besoins spécifiques des agents. Il faut davantage faire confiance aux agents et privilégier la délégation et le droit à l’erreur comme pour les citoyens.

AEF info : Quelle est votre analyse de l’évolution du paysage syndical dans les trois versants de la fonction publique et de son audience, notamment auprès des jeunes générations ? Neuf organisations syndicales représentatives, n’est-ce pas trop ?

Didier Lenfant : La CFTC défend la pluralité. Non pas uniquement parce qu’elle fait partie des petites organisations syndicales mais parce que chacune a une vision différente des choses. Nous faisons des propositions innovantes que ne peuvent pas forcément se permettre les grosses organisations qui couvrent une large population, et sont parfois contraintes par leur confédération, et doivent, comme les partis politiques, contenter le plus grand nombre.

Nous n’avons pas cette contrainte qui oblige à un certain formalisme et pouvons lancer de nouvelles pistes qui nous sont propres. Cela nous permet d’assurer un accompagnement plus personnalisé et de mener des combats spécifiques. Nous tâchons aussi de redonner envie aux jeunes dans le projet du syndicat avec des propositions dans l’air du temps. Nous avons d’autant plus de mérite en tant que petite organisation que nous assurons le même travail que les autres syndicats mais avec moins de moyens.

(2) interview réalisée avant l'ouverture du vote électronique ce 1er décembre 2022.
(3) La CFTC a une fédération par versant de la fonction publique. Didier Lenfant est représentant de la CFTC pour les trois versants au CCFP. Il est également président de la CFTC Défense.

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